05/11/2010

Quand l'IFOP fait de la salade niçoise

Author: Manuel Diaz

La salade niçoise, c’est bon, mangez-en. Mais faites attention à l’analogie que l’on vous sert parfois, de celles qui vous amènent à regarder les choses de manière biaisées et impropres à la consommation intellectuelle. Illustration avec la seconde livraison de l’enquête sur les réseaux sociaux de l’IFOP, parue il y a quelques jours.
Sur la base d’un échantillon représentatif de 2015 internautes, l’IFOP nous présente donc deux classements, de notoriété (je connais) et d’appartenance (j’ai un compte) des réseaux sociaux en France, et un focus sur Twitter.

Dessine moi un réseau social

L’IFOP ne défini pas ce qu’est un réseau social, mais on comprend intuitivement que c’est un site accessible au grand public sur lequel il y a un profil personnel. Observons donc les 5 premiers du classement de notoriété : Facebook, YouTube, Copain d’avant, Meetic et MSN.
Est-ce que ça a un sens de comparer un marteau, une perceuse, des pinceaux et une tronçonneuse à métaux ? Ce sont tous des outils de bricolage et on peut aller interroger les gens à savoir s’ils les connaissent et s’ils en ont un. Mais cela ne dit rien de l’intérêt qu’ils leur prêtent et encore moins de ce qu’ils en font.
Les gens ne créent pas des comptes sur les réseaux sociaux pour le plaisir d’en créer, mais bien pour faire quelque chose. Et la détention d’un compte ne dit rien de l’usage qu’ils en font. Cette approche est la même que celle qui consistait à savoir si les gens ont une télévision chez eux, alors que ce qui intéresse tout le monde est de savoir ce qu’ils regardent à travers.

Avoir un compte n’est pas de l’appartenance

Au nombre de gens qui ont des compte, selon l’IFOP, nous avons donc MSN, suivi de Copains d’avant, Facebook, Trombi et YouTube.
“Le Vatican, combien de divisions ?” demandait Staline. Le fait d’avoir créé un compte ne dit pas si on s’en sert et encore moins avec quelle intensité. Le fait d’avoir ouvert un compte ne signifie pas appartenance, c’est juste du potentiel. Cela peut même se conjuguer au passé.
Et d’ailleurs que peux bien signifier la notion d’appartenance à un réseau social ? Peu de choses en fait. Car les gens appartiennent plus aux communautés que leur permet de servir l’outil réseau social. Ce n’est qu’un moyen, un service au sens économique du terme. Nous pourrions même parler de commodité, l’histoire ayant déjà démontré que les utilisateurs savent déplacer leurs usages d’un support à un autre, même si cela leur coûte de reconstruire les liens qu’ils avaient tissés.
Seat, je crois, avait fait une pub sur l’idée que l’automobiliste appartient à sa Seat. Mais sincèrement, il me semble que ma voiture m’appartient plus que l’inverse …

Twitter est-il de droite ?

Voire d’extrême droite ! C’est en effet ce que l’on observe en regardant l’opinion des détenteurs de compte sur lesquels l’IFOP fait un focus. Sauf que, si l’on applique 7% d’appartenance de détention de compte à 2015 internautes, cela donne 141 personnes pour le panel.
Voilà comment habiller pour l’hiver à peu de frais. Heureusement, c’était trop énorme et cela n’a rien suscité. Ouf.

Tomber dans le panneau

Le résultat des courses, il est notamment dans le papier que Le Monde a fait sur cette étude : Réseaux sociaux en France : Facebook le plus connu, mais pas le plus utilisé.
Utilisé ? L’IFOP n’a jamais parlé d’utilisation, encore moins de taux d’utilisation, simplement de notoriété et de détention d’un compte. Le Monde est pourtant un journal sérieux ? Ce n’est pas parce que quelqu’un a un compte qu’il a des usages ? Le glissement est aussi maladroit que dangereux. Il est cependant révélateur de l’attente de vrais indications d’usages, plutôt que d’intentions.
Alors, s’il vous plait, messieurs de l’IFOP, laissez tombez cette enquête et proposez-nous une vraie étude sur les usages des gens et l’intensité qu’ils y prêtent. Vous verrez, ce sera très intéressant.

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