24/03/2008

Gardons-nous des idôles

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Nous sommes habitués à un monde rationnel, où la science laisse peu de place à l’incertitude, en tous les cas la réduit à la portion congrue. Mais avec le web et tout particulièrement avec les outils sociaux, je ne suis pas sûr que nous nous rendions bien compte à quel point l’innovation va vite, et surtout avance à marche forcée dans l’empirisme le plus parfait.


Je me rappelle personnellement très bien 2004 et ce constat fait par de nombreux observateurs, que les choses ne se passaient pas comme nous l’avions prévu. Exit les théories fumeuses et plans sur la comète, humilité et RAZ, nouveau départ par l’observation de terrain. Depuis, il n’y a pas de sciences des usages numériques qui permette d’envisager sereinement l’avenir, l’étude de ce qui se passe sur les réseaux passe par la compréhension de ce qui s’est passé. Nous n’anticipons pas grand chose.
Certes, l’incertitude dans l’art de la prévision sinon de la prospective est largement répandu dans les autres sujets liés aux activités humaines, mais il faut quand même reconnaître que les cycles d’innovation s’enchaînent à très grande vitesse dans ce monde, laissant au bord de la route ceux qui ont la faiblesse de penser que la vague (les) attendra, créant surtout une grande incertitude, exigeant des entreprises de l’économie numérique une très grande agilité au global, et des autres une efficience informationnelle certaine. C’est d’ailleurs pour cela que les modèles d’organisation sont obligés de changer et sont actuellement en train de le faire.
Mais passons. S’il est un domaine particulièrement marqué par la vitesse et l’empirisme, c’est typiquement celui des usages sociaux.
Il est patent de constater que les avancées de 2007 participent de la diffusion immédiate et massive de ce qui a l’air d’être un facteur de succès. Le friend feed de Facebook en est un parfait exemple. Le fait aussi, que la chose est très rapidement montée en épingle, dans un registre et une sémantique mystique parfaitement phasée avec l’empirisme qui en est à la source. Le tout accouche d’un veau d’or immédiatement déconstruit et mis en couple réglée standard. Ce processus a pris à peine une année, il a entraîné toute l’industrie, sauf qu’il repose sur du sable. Et l’on comprend à la fin de l’année dernière que la réalité est bien plus complexe, obligeant à une remise en cause qu’éclaire assez bien le manque de lisibilité dans la stratégie de certains grands acteurs.
Nous sommes dans une ère tirée par les visionnaires et les opportunistes, et ce n’est pas sans nous ramener il y a bien plus d’un siècle, quand les sciences et techniques ne donnaient pas encore les outils pour déterminer les solutions avant de les faire. Nous n’avons pas de moyens de simulation.
2004 nous a appris que les utilisateurs n’en faisaient qu’à leur tête et que nous n’avions pas encore d’instruments très fiable pour les suivre. Le réseau a cessé d’être le terrain de jeu de quelques uns pour être celui de masses qui s’en saisissent avec un activisme certain. Il s’invente par la base, pas par la tête. Notre bagage culturel a peut-être encore un peu de mal avec le fait que cela soit comme cela, mais il faudra s’y faire.
Il faut donc se garder des théories hâtives et des veaux d’ors trop brillants. À l’heure où ils se révèlent un peu trop grossiers, c’est justement le moment où l’on va voir qui a su garder sa clairvoyance et qui saura tirer les marrons du feu.

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