09/09/2007

Politiques numériques : fin de cycle

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Les politiques numériques vont-elles rebondir ? j’ai déjà eu l’occasion de faire constat de ce que je pensais de l’absence de présence du sujet dans les récentes séquences électorales et d’incarnation dans les instances gouvernementales. D’ailleurs, qui s’en émeut ? pas grand monde à ce que je puisse en juger, doublé du fait que les discussions que j’ai pu avoir ici où là sont plus pour dresser des constats peu reluisants, chercher de nouvelles idées, ou parier sur des projets certes stimulant mais lointains.
Si l’on désespère un peu de l’état, pouvons-nous attendre que les territoires s’en mêlent ? Et bien je ne suis pas optimiste. J’ai bien peur qu’un cycle s’achève, voici pourquoi.


Sur les 22 régions françaises, seules 7 ont inscrit une dimension numérique dans leurs schémas de développement, selon des approches uniquement outils et en se gardant bien de fixer des objectifs. En Limousin même, territoire qui s’est doté d’un instrument de développement numérique, j’ai le regret de constater que lorsqu’on prospective sur l’économique, le numérique est le grand absent.
D’abord, constatons que malgrès tous les sermons, rare sont ceux qui sont arrivés à ce que la question soit abordé autrement que dans le registre de la plomberie ou de l’outillage. Certes, comme je l’ai expliqué dans Le défi numérique des territoires, il y a quelques élus ou responsables à se demander sont à se demander où sont les usages et lesquels stimuler. Pendant ce temps, les français inventent les leurs et alors qu’il serait justement temps de profiter de leur appétit affirmé de consommation de services numériques, les projets sont en panne ou alors scotché dans des visions dépassés. À la vitesse où l’internet avance, ça n’a plus de sens de lancer des projets conçus il y a plus de 3 ans. D’aucuns constatent qu’il faut réformer l’approche en ce domaine. En effet.
Puisqu’on parle de plomberie, il faut bien constater que les grands débats d’infrastructures qui nous ont beaucoup animé ces dernières années sont derrière nous. Les bons chiffres de pénétration du haut-débit et la vigueur des opérateurs dans leurs projets de développement ont refroidit le sujet. L’internet s’est suffisamment démocratisé semble-t’il. Cela n’empêche pas la couverture d’être tout sauf universelle, mais ils sont tellement peu nombreux à être en rade qu’on a du mal à les entendre.
En commentaire de mon billet bilan sur Dorsal de début juillet, Limousin Wireless est venu raconter l’histoire de cet établissement de santé que son isolement laissait à l’écart de l’ADSL et apparemment aussi de la couverture WiMax régionale actuellement mise en place. Bref, il était dans ce 1% qui allait rester à l’écart. Un pont wifi viendra apporter semaine prochaine la connexion permanente à ce bout du monde. Help yourself, comme on dit !
On lira aussi avec attention Hubert Guillaud nous narrer les errements des vastes projets US de couverture wifi confrontés à la dure réalité de leur marché. On peut rêver de réseaux omniscients, on doit s’interroger sur les réels besoins que cela adresse, notamment en terme de mobilité et à l’heure où nous salivons tous devant un téléphone (…).
Enfin, j’étais à Pau ce week-end, la ville où l’on a 100Mb à la prise. C’est impressionnant en effet, mais ce qui l’est encore plus, c’est le décalage entre cette réalité et l’absence d’usages à l’avenant, tout au moins dans ce que m’en racontent mes hôtes, pour autant des gens bien informés. Au bout du compte, n’est-ce pas le marketing des opérateurs qui fixe la norme. Là où on n’a pas le dégroupage, on rumine sa frustration de n’avoir la télé ou de ne pouvoir économiser l’abonnement téléphonique. Là où je ne vois même plus le fichier se télécharger tellement ça va vite, on se satisfait très bien des services de la box la plus élémentaire.
Evidemment, tout cela n’empêche pas la fracture numérique de s’élargir et de se poser comme un sérieux problème à la compétitivité des territoires, sauf que le problème, c’est que ça ne se voit pas.
Nous payons en effet très cher le fait que le numérique soit invisible. Il est absent des chiffres socio-économiques, personne ne sait quantifier ce que représente l’économie numérique, ni de fait en éclairer des exemples ou des études de cas. Ainsi combien pèse en emploi et business l’internet en France ? mystère.
Il n’y a pas de réalité tangible et de fait, il est normal que personne n’y pense spontanément quand on raisonne socio-économie. Il n’y a pas de case pour cela et ça va de paire avecle fait que personne ne sait ce qu’est l’économie de la connaissance ou celle de l’immatériel.
C’est, je pense, ce qui s’est typiquement passé avec la prospective territoriale en Limousin. De sujets plus porteurs et plus marqués dans la réalité que sont notamment l’écologie et le développement durable sont passés devant.
Avec un sujet sans consistance chiffrée, absent des schémas de développement territoriaux et qui n’est même pas politiquement porteur puisqu’il ne suscite aucun point d’accroche réel, je suis un peu pessimiste sur l’avenir immédiat.
J’ai cependant espoir qu’on arrive enfin à donner un peu de corps à notre économie, ne serait-ce que parce qu’avec l’impact qu’elle commence à avoir sur certains domaines cela finira par susciter un peu d’étude. À force de chercher des points de croissance, on peut aussi se rappeler que 50% de la croissance européenne dépend des TIC.
Je pense aussi à quelques élus qui savent ce qu’est la Société de l’Information et qui ont la conviction du formidable levier qu’elle peut donner. C’est parce que certains sauront redonner de la vision qu’on pourra repartir de l’avant. C’est de toute façon par là que ça commence, par des hommes, des stratégies, des projets structurant.

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